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-Communiqué-

Narguilé (chicha) et Pollution Assistée par Ordinateur

 

Contre la manipulation visant à imprimer sur les paquets de tabamel (*) les

chiffres  relatifs à des rendements (en goudrons, nicotine et CO)

obtenus selon des méthodes arbitraires, biaisées

et non validées scientifiquement

 

Dr Kamal T. C.  (Paris, 02 novembre 2007)

 

Il y a deux jours, une dépêche de l’AFP rapportait que : « La fumée d'une chicha délivre autant de pollution au monoxyde de carbone que 15 à 52 cigarettes et autant de goudron que 27 à 102 cigarettes, selon des mesures effectuées par le Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE), communiquées par l'Office français de prévention du Tabagisme (OFT) ». « La chicha est confirmée comme une source majeure de pollution pour ceux qui la consomment comme elle est une source de pollution ambiante importante dans les lieux clos et couverts", affirme l'OFT mardi dans un communiqué. Si l'on considère le mode de consommation occidental, on peut estimer qu'une chicha correspond en moyenne à environ 70 bouffées, selon le président de l'OFT, Bertrand Dautzenberg. »[1]

La précipitation avec laquelle l’OFT (Office Français du Tabagisme) a communiqué les « résultats » du LNE (Laboratoire national de métrologie et d'essais) en dit long. En effet, l’OFT, en la personne de son président, Bertrand DAUTZENBERG, et en collaboration avec Jean-Yves NAU, journaliste au journal Le Monde, avait publié un livre à l’occasion de la Journée Mondiale Sans Tabac 2007, que la presse nationale avait par ailleurs encensé à quelques exceptions près. Les signes avant coureurs de telles expériences « officielles » y étaient déjà présents (page 74). Lors de mon audition  du 24 août dernier avec les experts du Ministère de la Santé chargés du dossier de l’application du décret anti-tabac aux salons proposant le service du narguilé, j’avais d’emblée attiré l’attention sur cette question. Plus généralement, j’ai fait observer à mes interlocuteurs que ce même livre -qui, en la matière, devait servir de caution scientifique au législateur-, était non seulement diffamatoire à mon encontre, une contrefaçon/plagiat de mes propres travaux mais aussi nul et non avenu puisqu’il est truffé d’erreurs scientifiques très graves [2][3].

La dépêche de l’AFP indique que c’est l’OFT qui a commandé de telles expériences au LNE. Déjà, dans leur livre, les auteurs proposaient unilatéralement (page 74) des normes de fumage visant à produire des chiffres (goudrons, nicotine, CO [monoxyde de carbone]) à faire imprimer sur les paquets de tabamel (*) par les autorités compétentes. Or, les méthodes employées sont aberrantes, en ouverte contradiction avec d’autres au niveau international, n’ont fait l’objet d’aucune concertation et n’ont jamais été validées scientifiquement. Même l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et son Groupe d’Etudes spécialisé sur ce sujet (WHO/TobReg) ne se sont pas prononcés sur cette question [4]. Les chiffres obtenus dans les expériences du LNE sont basés sur l’utilisation d’une « rampe de machines à fumer » (sic) avec tous les biais et distorsions déjà signalés [4][5] et ainsi que je viens encore de le montrer à propos d’expériences similaires réalisées depuis de longue date et de manière continue à l’American University of Beirut [6].

Je souhaiterais à présent m’arrêter sur les comparaisons avec les cigarettes. Les chiffres en question (reflétant des « rendements » parce qu’ils se réfèrent à des machines et non à des fumeurs réels de narguilé, « en situation ») concernent les goudrons, la nicotine et le CO mais n’ont absolument aucune valeur heuristique. L’un des principes de base de toute science est –il faut le répéter- que l’on ne peut comparer que des choses comparables.  En raison de processus chimiques, thermiques, mécaniques et dynamiques différents, fumées de cigarette et de narguilé ne peuvent être comparées si simplement. Par exemple, dans le cas de la nicotine, il y a un phénomène que les tabacologues nomment « titrage » (« compensation » en anglais) et qui, s’il ne représente pas tous les cas de figure, doit être systématiquement souligné. Dans le cas des goudrons, la masse de ces derniers est une chose et la qualité (cancérogène, notamment) de leurs nombreux composés en est une autre, notamment en raison des grandes différences de température en jeu (de plusieurs centaines de degrés inférieures à celle de la cigarette, dans le cas du narguilé).

Quant au CO, il est généralement élevé dans le cas du narguilé et il n’y a aucun doute à ce sujet. Cependant, il dépend beaucoup, entre autres facteurs, du degré de ventilation de l’endroit où la séance de narguilé se tient et de la pollution latérale occasionnée par les fumeurs de cigarettes ou d’autres narguilés allumés simultanément. Ainsi, selon les études les plus sérieuses menées in situ au Moyen-Orient, et sur des fumeurs réguliers de narguilé, les taux peuvent considérablement varier : de 14 ppm (parties par million) après une séance de fume [7] à 30 voire près de 40 ppm [8], soit des niveaux pas toujours si différents de ceux de fumeurs réguliers de cigarettes. Bref, il n’y a aucune nouveauté à ce sujet. Le message de santé publique, que je répète depuis dix ans, est qu’il faut éviter de fumer dans des endroits mal ventilés [9]. Mais, pour les Anti-tabac, c’est déjà une forme d’« l’incitation à l’usage »… Nous vivons une ère de néo-Mac Carthysme sanitaire  [10].

Par conséquent, les comparaisons avec la cigarette ne visent qu’à créer davantage de confusion dont les mobiles pourraient être la défense indirecte d’intérêts non avoués. Enfin, la mention d’un « mode de consommation occidental », par Bertrand DAUTZENBERG, est en contradiction avec toutes les données de la littérature scientifique (anthropologique et tabacologique) disponible au niveau mondial. Il n’y a en la matière ni mode de fumer « oriental » ni « occidental ». Les poumons d’un « Occidental » et ceux d’un « Oriental » fonctionnent et réagissent de la même manière aux stimuli de la fumée adoucie du narguilé au tabamel. Ce sont là de regrettables inepties anthropométriques malheureusement déjà signalées [2].

Il reste que les vrais problèmes que peut poser la nouvelle configuration mondialisée du narguilé n’ont, une fois de plus, pas été abordés. Une telle obstination de la part d’une fraction importante des Anti-tabac vise à couvrir la défense d’intérêts souterrains qui sont en tout cas devenus évidents pour toutes celles et ceux qui réfléchissent un peu. Je regrette une telle propagande, une telle censure et un tel acharnement [10] qui ne veulent pas dire leur nom. Devant l’urgence, je commence à considérer que la santé publique est devenue l’otage d’intérêts qui éclateront prochainement au grand jour si la situation ne change pas radicalement.

Je ne m’oppose pas à la présence de messages de prévention intelligents sur les emballages des produits à fumer, y compris ceux destinés au narguilé. Dans ce dernier cas, cependant, et en l’absence de toute étude sérieuse sur le sujet, il est aberrant, voire complètement faux, de calquer directement les mentions relatives aux cigarettes (cancer du poumon, dépendance, etc.) et d’indiquer des rendements obtenus selon des méthodes arbitraires et biaisées.

Pour conclure, et pour en revenir à ce projet d’officialisation  de normes de fumage relatives au narguilé,  j’en appelle à tous les toxicologues, tabacologues et chercheurs indépendants pour en dénoncer l’imposture et pour exiger la mise en place d’une expertise collective indépendante sur le sujet.

Dr Kamal T. C. 

-Chercheur et consultant en contrôle du tabagisme (DIU 1998)

-Auteur de: Tout savoir sur le narguilé. Société, culture, histoire et santé. Paris, Maisonneuve et Larose 2007, 256 pages, couleurs (comprend la critique intégrale du rapport erroné de l’OMS).

-Synthèse : http://www.stop-tabac.ch/fr/Narghile/nar.html

(Contact : kamchaAgmail.com)

[ http://publicationslist.org/kamal.chaouachi ]

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Notes et Références bibliographiques:

(*) Tabamel: mélange aromatisé à base, principalement, de tabac et de mélasse/miel.

[1] AFP. La fumée de chicha polluante, confirment des mesures en laboratoire. Paris, mardi 30 octobre, 19h08.

http://fr.news.yahoo.com/afp/20071030/thl-sante-tabac-96993ab_1.html 

[2] Bertrand DAUTZENBERG et Jean-Yves NAU : « Tout ce que vous ne savez pas sur la chicha » (Ed Margaux-orange, mai 2007)

Critique disponible en ligne: http://docs.google.com/View?docid=dgbz283m_78gkhthv&pli=1 

[3] Chaouachi K. Lettre à Mr Nicolas SARKOZY, président de la république (14 sept. 2007) dont l’objet était une critique de la « Lettre ouverte au Président de la République : 100 jours pour construire la santé pour tous sans discrimination » signée par le Pr Francis LARRA, président  de la Ligue Nationale contre le Cancer. Publiée dans Le Figaro (13 sept. 2007).

http://docs.google.com/View?docid=dgbz283m_107cp429w

[4] Chaouachi K. Critique du premier rapport d’experts de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) jamais publié sur le narguilé : A Critique of the WHO’s TobReg  “Advisory Note” entitled: “Waterpipe Tobacco Smoking: Health Effects, Research Needs and Recommended Actions by Regulators” [trad. libre : Fume du tabac au moyen du narguilé : Effets sur la santé, besoins en recherche et actions recommandées par les régulateurs](2005). Journal of Negative Results in Biomedicine 2006 (17 Nov); 5:17. http://www.jnrbm.com/content/5/1/17

Français (automatique): http://translate.google.com/translate?u=http%3A%2F%2Fwww.jnrbm.com%2Fcontent%2F5%2F1%2F17&langpair=en%7Cfr&hl=fr&ie=UTF-8&oe=UTF-8&prev=%2Flanguage_tools

[5] Chaouachi K.The Medical Consequences of Narghile (Hookah, Shisha) Use in the World [Fr: Les conséquences médicales de l’usage du narguilé (chicha) à travers le monde]. Revue d’Epidemiologie et de Sante Publique (Epidemiology and Public Health) 2007;55(3):165-70.

[6] Chaouachi K. The narghile (hookah, shisha, goza) epidemic and the need for clearing up confusion and solving problems related with model building of social situations. TheScientificWorld JOURNAL: TSW Holistic Health &Medicine 207 (7): 1691–6. DOI 10.1100/tsw.2007.255.

http://thescientificworld.com/SCIENTIFICWORLDJOURNAL/toc/TSWJ_ArticleLanding.asp?jid=0&FromPage=Main&ArticleId=2820&navFrom=Main&From=Result

[7] Shafagoj YA, Mohammed FI. Levels of Maximum End-Expiratory Carbon Monoxide and Certain Cardiovascular Parameters Following Hubble-Bubble Smoking. Saudi Med J 2002; 23(8):953-8.

[8] Bacha ZA, Salameh P, Waked M. Saliva cotinine and exhaled carbon monoxide levels in natural environment waterpipe smokers. Inhal Toxicol. 2007 Jul;19(9):771-7.

[9] Chaouachi K. Tabacologie du narguilé. Alcoologie. 1999;21(1/83):88-9.

[10] Michael Siegel. MacCarthysm is alive(24 Oct. 2007)  http://tobaccoanalysis.blogspot.com/

 

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Note technique : pour en faciliter la lecture et l’exploitation, le texte de cette lettre est disponible en ligne à : http://docs.google.com/Doc?id=dgbz283m_112c67cks